Faire le deuil de la fausse couche semble être parfois insurmontable, mais pourtant c’est possible.
Ce matin-là, une femme débordante d’entrain et d’énergie franchit les portes de mon cabinet. Elle était une commerçante accomplie, gérant sa petite entreprise avec une main de maître. Tout semblait sourire à cette jeune trentenaire. Elle avait un compagnon charmant, ses affaires prospéraient, mais lorsqu’elle s’est assise devant moi ce jour-là, elle a confié qu’elle n’allait pas bien du tout. Elle se sentait morose en permanence, ennuyée par tout. Qu’est-ce qui avait bien pu se passer ?
Fausse Couche après fausse couche
Avec une certaine réserve dans sa voix, elle a commencé à me raconter ses fausses couches, une après l’autre, jusqu’à la cinquième, qui venait de se produire à peine un mois plus tôt. Elle n’a pas versé de larmes, comme si elle avait construit une forteresse pour se protéger de la douleur, tellement habituée à rester maîtresse de ses émotions. Pourtant, à l’intérieur, elle était en miettes, et je pouvais le ressentir.
Le Deuil Non Fait
Lorsque nous avons commencé notre travail thérapeutique, l’une de mes premières questions a été de savoir si elle avait fait le deuil de ces embryons non nés. Sa réponse a été négative. Elle n’avait pas trouvé la force, le temps ni l’énergie pour le faire. Les fausses couches s’étaient enchaînées si rapidement, avec à peine un an et demi entre chacune d’elles.
Le Chemin vers la Guérison
Nous avons donc mis en place un journal dans lequel elle pouvait s’adresser à chacun de ses embryons de manière personnalisée. Certains avaient déjà un prénom, d’autres non, mais cela n’avait aucune importance. Elle pouvait exprimer ce qu’elle ressentait à leur égard, un chagrin impossible à partager avec son entourage. Enfin, elle a pu laisser libre cours à sa tristesse et reconnaître la perte de ce qui aurait dû naître, mais qui ne verrait jamais le jour.
La Compréhension Profonde
Grâce à ses rêves, elle a compris les angoisses et les tourments qui entravaient son désir d’avoir un deuxième enfant. Elle a établi un lien avec la naissance de son frère, qui avait été une expérience traumatisante pour elle. Elle a pris conscience de la pression qu’elle se mettait au travail, laquelle l’empêchait d’être pleinement disponible pendant sa grossesse. Elle voulait être enceinte, mais sans les désagréments qui l’accompagnent. Cette femme active ne supportait pas l’idée de s’arrêter pour profiter pleinement de sa grossesse.
Le Retour à l’Apaisement
C’est alors que son corps lui a envoyé ces signaux d’alarme successifs. Il était grand temps qu’elle prenne soin de son corps et de son esprit, sinon elle fonçait droit dans le mur. Sa vie était arrivée à un point de rupture, un point de non-retour. Tant qu’elle n’aurait pas pris ne serait-ce qu’une seconde pour analyser les causes de son mal-être, son corps lui dirait « stop » de plus en plus violemment, fausse couche après fausse couche.
La Transformation et l’Avenir
Il a fallu une dizaine de séances de Rêve Éveillé Libre à cette jeune femme pour parvenir à la paix intérieure. Sur mes conseils, elle a organisé une petite « cérémonie » d’adieu, en présence de sa fille et de son compagnon. Chacun a pu dire au revoir à tous ces bébés potentiels qui n’avaient jamais vu le jour. Elle a lu à voix haute une phrase dédiée à chacun d’eux, et sa petite fille a déposé cinq petits bateaux en papier sur l’eau.
Conclusion
Je l’ai revue quelques semaines après ses vacances et ces moments d’émotion intense. Une femme bien plus apaisée était assise en face de moi. Ces fausses couches faisaient désormais partie d’elle, mais elles ne la faisaient plus souffrir. Après réflexion, elle m’a fait part de son désir de retrouver une libido sereine avec son compagnon, et ils avaient décidé de ne plus se mettre la pression pour concevoir un enfant. Ils laisseraient les choses suivre leur cours. Quelques mois plus tard, elle m’a donné des nouvelles pour m’annoncer qu’ils allaient se marier, mettant ainsi un point final à cette période douloureuse de leur vie.
Concernant le travail de deuil, je ne saurais que recommander le livre : Faire son Deuil, vivre un chagrin de Manu Keirse.