Voici un exemple d’expérience initiatique vécue à travers un Rêve Eveillé Libre. Cette personne d’une quarantaine d’année est arrivée dans mon cabinet avec une détermination assez impressionnante. Je me souviens de ce premier rendez-vous lors duquel elle se présente et me parle de son histoire de vie. Ayant vécu un drame familial il y a quelque années, sa famille s’est retrouvée éclatée sous le choc. Je n’en dirai pas plus dans un souci de discrétion. Ce que je peux vous dire, toutefois, c’est que le premier rêve a été tonitruant :
“C’est un long chemin, je n’en vois pas le bout, c’est long, je n’en vois pas le bout. Il y a quelques arbres, le chemin continue, continue. J’aime bien les couleurs. Je n’en vois pas le bout. Ca m’énerve. C’est tout. Il y a personne, il n’y a rien, pas de maison, rien. Il y a une perspective qui se termine en triangle et il y a rien.”
C’est par ces mots que commence la cure de cette femme que je nommerai Louise afin de respecter son anonymat.
L’initiation, un long chemin jonché d’embuches
Ces quelques phrases sont à la fois un aveu terrible de ce qu’a été sa vie jusqu’alors, enfin, de la perception qu’elle en a. C’est à dire un long chemin jonché d’embuches et finalement sans grand intérêt, puisqu’au final, il n’y a rien qui l’attend. Pour commencer un travail sur soi, on ne peut pas dire que ce soit des plus engageant. En tout cas, quel abandon à cette méthode qu’est le Rêve Eveillé Libre. Quel courage il aura fallu à Louise pour s’avouer cette angoisse de mort. Qu’y a t’il au bout du chemin ? Quel sens donner aux épreuves traversées ? On sent cet énervement, mais en même temps, il est tellement salutaire. C’est lui qui permettra à Louise de changer ce qui ne lui convient plus dans sa vie. C’est en quelque sorte l’étincelle qui met le feu aux poudres.
Se donner à ne rien voir n’est-il pas la meilleure des façons de repartir de zéro ? D’ailleurs pourquoi faudrait-il repartir du néant ? Non, ce chemin n’est pas complètement vide. Il y a des arbres, qu’ont pourrait prendre comme autant de projets menés à leur terme. Tout n’est pas râté. Loin de là. D’ailleurs, Louise a une plutôt bonne situation financière. Elle ne semble manquer de rien. Son affaire est florissante. Mais à ses yeux, tout ça ne représente rien. A la fin du voyage, que restera t’il de cette réussite matérielle ?
Le rêve lui propose cette image du rien, mais, finalement, ne lui aurait-il pas montré l’essentiel ? “C’est tout. Il y a personne, il n’y a rien, pas de maison, rien.” Nous ne sommes rien si nous ne sommes pas entourés. Nous ne sommes rien sans un foyer accueillant, une famille qui nous aime. Le rêve semble être sans concession et il a été vécu par Louise comme une déflagration. Plus de six séances après le début de sa cure, elle m’en reparle comme un événement qui a bouleversé sa vie. D’ailleurs, depuis ce rêve, sa vie a changé. Elle a repris contact avec des amis et prévu de partir en voyage (un jour, à la fin de la pandémie) avec des gens qu’elle aime.
Je voudrais aller plus loin dans l’analyse de ce rêve parce que pour moi, il représente ce qu’Annick de Souzenelle et Pierre-Yves Albrecht développent dans leur livre commun L’initiation* : la notion de “retournement”1.
Annick de Souzenelle explique comment chacun de nous, à un moment de sa vie prend conscience – ou non – de son propre potentiel et des trésors cachés qui nous composent et nous relient à notre essence “sacrée”. C’est le retournement de l’être.
Expérience initiatrice, la promesse d’un nouveau souffle
Quelque part, Louise, en s’offrant cette expérience du “rien”, s’autorise à vivre une expérience initiatrice, promesse d’une vie tournée à la fois sur ses valeurs et sur la compréhension du monde dans lequel elle vit. C’est comme si ce rêve avait joué le rôle d’une retraite spirituelle lors de laquelle elle se serait redécouverte.

Comme l’explique Pierre-Yves Albrecht, il est nécessaire à un moment donné de faire cette expérience du rien, du vide, afin de créer les conditions favorables à la conscience de soi-même. Dans le livre L’initiation, il parle de la traversée du désert2 comme d’une expérience initiatique et mystique. Comment ne pas se sentir minuscule face à cet infini qui se déroule sous nos pieds ? Et en même temps, cet infini, lié au dépouillement nous relie à l’essentiel, à notre essence spirituelle. A la fois cette force créatrice ressentie après la traversée du désert, (tout est possible après une telle épreuve) et en même temps ce lien sacré qui nous maintient “debout” entre ciel et terre.
Le Rêve de Louise possède la même force initiatique que cette traversée du désert grandeur nature. Ce premier rêve la véritablement transformée. Son entourage pourrait en témoigner . Preuve s’il en est de la puissance de nos rêves et notamment de la méthode du Rêve Eveillé Libre.
Pour conclure, on pourrait dire que Louise, par ce premier rêve, s’est donnée à vivre cette expérience, à la fois de la solitude et de l’immensité, voir de l’infini, propice à la réalisation du Soi. Savoir tout lâcher pour devenir riche de soi-même. N’est-ce pas un beau programme ?
1. L’initiation – page 31
2. L’initiation – page 222
*L’initiation – Ouvrir les portes de notre cité intérieure
Annick de Souzenelle – Pierre-Yves Albrecht
Les éditions du Relié